Le 17. août 2019 à 09h23
Six Fours
Cinéma
C'est aussi ça la France
Membre de la troupe comique Robin des bois, Pierre-François Martin-Laval, dit PEF, signe des adaptations de bandes dessinées et connaît le succès commercial avec les deux « Profs ». Grâce à Wild Bunch, il adapte aujourd'hui au cinéma le roman du joueur d'échecs bangladais Fahim Mohammad, tiré du livre « Un roi clandestin » de Fahim Mohammad, Sophie Le Callenec et Xavier Parmentier.
Une histoire belle et forte
30 000 enfants disparaissent chaque année au Bangladesh. Menacé de mort car son père est opposant au régime, un jeune joueur d'échec quitte son pays natal en y laissant sa mère et sa fratrie. Avec son père, on le voit emprunter plusieurs moyens de locomotion (camion, train bondé…) pour passer la frontière avec l'Inde. Sur un bateau, Fahim crie « Je veux rencontrer le Grand maître d'échecs » à la Di Caprio dans Titanic. Il s'envole enfin vers la France, où l'on suit son parcours en tant que joueur d'échecs, mais aussi de demandeur d'asile : hébergé par l'association Terre d'asile, trompé par un traducteur, puis débouté, donc sdf sans papiers et arrêté en tant que tel, mais porté par un réseau de solidarités émouvant. Fahim est un beau et fort hymne à Créteil et à la France qui a envie d'héberger.
Un conte documentaire
Ce « Feel good movie » où se mêlent rires et larmes rend hommage à la France des droits de l'homme et pas seulement à « La France de la déclaration des droits de l'homme », comme le dit dans le film le personnage d'Isabelle Nanti au premier ministre invité de Patrick Cohen (le vrai !) sur France Inter, en reprenant à son compte l'expression de Robert Badinter. C'est un pas de côté pour PEF qui s'éloigne du burlesque des Profs pour se rapprocher du réalisme dans ce conte documentaire : « C'est un autre univers et je m'y suis senti à l'aise, tranquille, loin de l'obsession de faire rire. » Ce qui n'empêche pas le comique autour de l'apprentissage du français. « Pour moi, le cinéma c'est l'image et l'émotion », confie PEF. Les moments d'émotion, comme celui de la séparation avec la mère, sont filmés en plan large. « Les spectateurs arrivent à tout voir. Ils n'ont pas besoin qu'on leur souligne l'émotion. »
Gérard Depardieu, le Victor Hugo du cinéma
PEF rêvait de jouer le rôle de l'entraîneur Xavier Parmentier : « Mais le personnage est un ogre, seul le plus grand pouvait l'incarner, Gérard Depardieu ». Celui-ci a accepté le projet tout de suite, à la seule lecture du scénario. « En tant que citoyen du monde, le film lui a semblé important politiquement », dit PEF, qui se dit soulagé de ne pas jouer dans le film. Il s'est uniquement donné un petit rôle avec Depardieu pour le plaisir de jouer face à lui et parce que ce monstre sacré du cinéma n'avait pas besoin de lui en tant que metteur en scène. « Il aime tellement les mots...Il ne joue jamais ce qui est écrit et donne du poids à ceux auxquels on n'avait pas pensé. C'est très beau. »
La fabrique à acteurs
Les rôles ne sont pas nombreux pour les personnes issus de l'immigration. Assad avait accompagné un camarade au casting et ne voulait pas accepter le rôle. Il ne parlait pas français au début du tournage. Comme Fahim, il a appris en quelques mois entouré d'amis. Le père est cuisinier : « il n'y arrivait pas, il était maladroit et est devenu acteur devant moi. Je n'oublierai jamais ce moment-là, quand il a compris qu'il devait prendre pour lui ce qui se passait. Il y a pris un vrai plaisir et maintenant il adore ça. »
Fahim sort le 16 octobre. A ne manquer sous aucun prétexte.
Myrto Konstantarakos, le 17 août 2019