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Le 19. septembre 2010 à 17h00

Sanary Culture Le mystère du grand Saint Antoine

Dans le cadre des journées européennes du patrimoine, l'association du musée Frédéric Dumas avait invité Patrick Mouton à évoquer le mystère du grand Saint-Antoine, le fameux navire de la peste qui fit escale en rade du Brusc avant d'aller répandre la peste à Marseille en 1720. L'auditorium affichait complet et les convives ont ensuite partagé un verre de l'amitié salle Maurice Fargues.

Une conférence captivante de la malédiction du grand Saint Antoine par Patrick Mouton.

Une conférence captivante de la malédiction du grand Saint Antoine par Patrick Mouton.

Pour cette conférence organisée par l'association Frédéric Dumas, l'auditoire s'est laissé embarquer sur le Grand Saint-Antoine par le singulier Patrick Mouton, un journaliste et un écrivain de talent, mais surtout un conteur captivant qui se mit dans la peau du capitaine Jean-Baptiste Chataud, emprisonné au Chateau d'If et souhaitant rétablir la vérité. Avec brio, le conférencier nous replongea dans le contexte de l'époque, dans un "Marseille qui fonctionnait merveilleusement bien avec ses bateaux qui partaient chargés d'armes, de corail rouge et qui arrivaient à l'automne avec des épices, des ballots de tissu, de l'huile, du blé".
Pour le capitaine Jean-Baptiste Chataud, marin expérimenté, tout commença en 1719 lorsqu'il fut chargé de ramener à bord de son Grand Saint-Antoine une cargaison du Levant pour le compte du premier échevin de Marseille, Jean-Baptiste Estelle et ses associés, en vue de la fameuse foire de Beaucaire qui se tiendrait au printemps 1720. Tout allait merveilleusement bien jusqu'au jour où le capitaine accepta d'embarquer des passagers à Tripoli et une cargaison de rouleaux de cordage, provenant d'un bateau anglais qui avait été ravagé par la peste. Sur la route du retour, les morts se succèdent. Pourtant à chaque escale le capitaine obtient des "patente nettes", c’est-à-dire des certificats attestant qu'aucune maladie n'est à déclarer à bord.
Patrick Mouton s'attache à réhabiliter le capitaine Jean-Baptiste Chataud qui n'a jamais menti quant aux personnes décédées sur son bateau, neuf au total. Mais avant d'amarrer à Marseille il se doutait bien que le navire risquait une quarantaine, et devant les enjeux financiers, il accosta dans la rade du Brusc et dépêcha des cavaliers pour informer les armateurs. Ces derniers firent jouer leurs relations et envoyèrent le bateau à Livourne où le capitaine obtint une patente nette de complaisance déclarant que les décès n'étaient dus qu'à une fièvre pestilentielle, maladie courante à l'époque et guère inquiétante. Le navire prit alors la direction de Marseille et, comme tout navire commerçant avec le Levant, il se retrouva en quarantaine à l'île de Pomègue avant que les marchandises fines ne soient débarquées dans les infirmeries du Lazaret. Pendant ce temps, d’autres morts succombèrent sur le Grand Saint Antoine, mais le chirurgien Gueirard, au bureau de la santé marseillaise, ne trouva rien à y redire. C'est à la suite d'une contre-expertise que l'on découvrit que les morts étaient dues à la peste. Le bateau fut mis en quarantaine sur l'île de Jarre. Or des passagers et des marchandises avaient déjà été débarqués, et il aura fallu attendre le 25 septembre pour que le grand Saint Antoine soit brûlé et coulé. Trop tard! La Peste s'était déjà introduite dans Marseille, d'abord dans les quartiers pauvres avant de s'étendre dans toute la ville. Durant l'été 1720, des centaines de personnes décédèrent chaque jour. La Peste s'étendit à la Provence faisant plus de 100.000 morts; ce n'est qu'en janvier 1723 qu'elle fut éradiquée.
Pour l'anecdote, c'est l'association de Recherches Historiques et Archéologiques (ARHA) qui retrouva en 1978 le Grand Saint Antoine dans la crique nord-ouest de l'îlot de Jarron; Patrick Mouton faisait partie des plongeurs ayant participé à cette découverte, ce qui l'incita à écrire "la malédiction du Grand Saint-Antoine". Les vestiges archéologiques alors remontés sont aujourd'hui exposés au musée de l'Hôpital Caroline sur l'île de Ratonneau.

D.D., le 19 septembre 2010

Autres photos:

Il y avait du monde pour ce rendez-vous à l'auditorium de la médiathèque. Hervé Monjoin présenta le conférencier.
Il y avait du monde pour ce rendez-vous à l'auditorium de la médiathèque.