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Le 8. juillet 2009

Six Fours Eco échos Les petits commerces de Six Fours face à la grande distribution

Les grandes surfaces ne datent pas d’aujourd’hui, mais alors qu’on ne peut douter de leur santé financière, les commerces de proximité restent toujours aussi fragiles. Si l’on prend le groupe Carrefour, numéro 1 européen de la grande distribution, qui a réalisé en 2008 un chiffre d’affaire de 87 milliards d’euros hors taxe et qui possède entres autres Shopi, Champion, ED, huit à huit, pas la peine d’être devin pour s’apercevoir qu’un petit commerce ne peut lutter face à la puissance des ces grands groupes.
Mais les petits commerçants rencontrés insistaient pour nous dire que chez eux, les gens venaient chercher un contact, un service après vente de qualité, et qu’il ne faut pas toujours croire que c’est moins cher en grande surface...

Est-ce que le  village d'irréductibles existe ?

Est-ce que le village d'irréductibles existe ?

Du côté de la boulangerie


Michel, boulanger à “Lou pan du Gaou” exerce depuis 35 ans. Il se rappelait qu’à l’époque où il travaillait à Manosque, “cela remonte à une vingtaine d’années, le jour où Casino a ouvert, 3 ou 4 boulangeries ont fermé leurs portes”. ‘C’est simple” nous dit-il, “en grande surface la plupart du temps c’est du surgelé, et quand ils fabriquent c’est avec des matières premières de moindre qualité”. Confirmation de Didier Castillo, boulanger au “Fournil de Margot”, “nous on se lève à 4 h du matin, les grandes surfaces font du bas de gamme, lorgnent sur la qualité des matières premières, ils peuvent donc vendre un éclair à 1,50€ et nous à 2,2 €”. Michel nous donnait un exemple, prospectus à l’appui, “le pain au chocolat, ils vont l’acheter surgelé à 17 centimes et le revendre à 20 centimes, c’est sûr qu’on peut pas lutter, car les gens vont parfois plus regarder leurs porte-monnaie que la qualité”.
Mais parfois les réalités sont aussi trompeuses, car la grande distribution réussit avec des produits d’appel, à donner l’apparence du moins cher, mais on peut aussi se rendre compte qu’ils sont plus chers sur d’autres produits, Michel nous disait “avec ma femme on s’était amusé à comparer le prix du chocolat pendant la période de Pâques, entre le nôtre et celui d’une grande surface, bilan, aussi surprenant que cela paraisse, le nôtre était moins cher”. Mais Michel, très attaché à son métier et à la qualité de ce qu’il propose nous disait “les grandes surfaces tuent le petit commerce”.

Du côté de la hi-fi, vidéo...


Grégory s’occupe depuis 2005 de la boutique Télé-Design, il propose “l’installation, vente et dépannage” du matériel audio-vidéo. Son credo à lui, ce sont des T.V. de haute qualité avec la marque Loewe. “Normalement on est censé être au même prix, mais nous on passe par des grossistes et eux directement chez les fournisseurs. Si demain je faisais des télés à bas prix je ne pourrais pas vivre, des fois les grandes surfaces vendent au prix que j’achète les télés. Pour que je puisse aller directement chez un fournisseur, faudrait par exemple prendre pour 150000 euros de télés pour l’année”. Le souci réside dans la puissance d’achat de la grande surface, et difficile de lutter dans ce combat de David contre Goliath. Pour autant parfois les écarts de prix sont minimes, mais une grande distribution a une puissance de frappe tellement supérieure, communication, pub, et du coup on a toujours l’impression que c’est moins cher, qu’on pourra s’acheter le téléviseur dernier cri. Grégory a ainsi choisi de s’atteler à des “produits élitistes”, dans la mesure où la marque Loewe n’est pas référencée en grande surface.

Du côté de la boucherie


“Mon père a repris la boucherie en 1947 et moi en 1974. Avant les gens vivaient dans le village maintenant ils dorment et regroupent leurs courses... bien évidemment les petits commerces ont disparu à cause de la prolifération des grandes surfaces, même en Bretagne les poissonneries disparaissent”. Robert Canolle appartient à l’ancienne école, et quand il parle, on a l’impression que tout n’est qu’évidence, “on a de la qualité supérieure, mais la puissance d’achat des grandes surfaces les amènent à faire pression sur les producteurs, et ils obtiennent donc des conditions avantageuses”. Robert Canolle évoquait le lait en s’interrogeant sur le fait que ce produit n’ait jamais connu de baisse dans les grandes surfaces. Il nous disait aussi que certains jeunes bouchers s’étaient lancés dans le “discount”... Peut-être vit-on ainsi une somme de conséquences logiques grâce à une société ayant programmée la mort du petit commerce...

Du côté de l’ébénisterie-menuiserie


Augusto Pinto travaille à l’ancienne dans un petit atelier et vend ses produits au Brusc à “Esprit Bois”. Il nous confiait, narquois, “c’est sûr que si les grandes surfaces n’existaient pas je travaillerais mieux....”. Et plus sérieux rajoutait, “le métier d’ébéniste se meurt notamment à cause du commerce avec l’Indonésie, les meubles sont importés de là bas, et le prix d’un meuble importé d’Indonésie équivaut au prix du bois que je vais acheter...”. Effectivement difficile de lutter...
“Ikéa donne la tendance, mais au niveau de la qualité ils n’utilisent que de l’aggloméré, c’est à dire du bois recomposé, en gros avec de la sciure ils font des planches”. En comparaison, Augusto nous signifiait “Moi je prends des billes de bois que je façonne, j’utilise beaucoup de chêne, pour vous donner une idée le mètre cube de chêne, je le paie entre 950 et 1500 Euros hors taxe”. Ainsi “par exemple si je refaisais un modèle d’Ikéa à l’identique, mais avec mes matières premières, ça serait 3 fois plus cher. Les gens ne comprennent pas les prix, ils oublient que la matière première n’est pas la même”. Il est fréquent d’entendre des “c’est cher”, mais la force de la grande distribution est justement de faire croire au prix bas, en élucidant toute la chaîne de production et de la qualité des matériaux. Cependant ce bilan pourrait paraître pessimiste, mais Augusto nous disait “que les gens reviennent, et en plus je fais du sur-mesure et j’ai quand même une clientèle”. Effectivement si la bourse le permet, le plaisir est plus grand dans une boutique avec un charmant accueil et des produits non “formatés”, que dans une grande surface aux allures du “meilleur des mondes”.

Du côté du vin


“C’est sûr que de moins en moins de gens viennent acheter leur vin au Brusc. Ils groupent souvent leurs achats en grande surface. C’est sûr qu’en grande surface ils peuvent vendre le vin moins cher, mais pas toujours, ça dépend des domaines, par exemple le Pibarnon est moins cher chez moi. Et souvent les domaines écoulent une production, car pour eux c’est pas la joie non plus. Ils font parfois 2 étiquettes, le meilleur pour les cavistes et le reste pour les grandes surfaces.” Dany, passionné dresse un bilan lucide, “c’est sûr que les domaines ont eu des soucis ces dernières années, avec la campagne contre l’alcoolisme, la cherté du vin. Je fais un commerce de plaisir, je n’ai pas à proprement parler un commerce indispensable”

Du côté de la fleuriste


“Ça fait un moment que les grandes surfaces vendent des fleurs, sauf que maintenant ils font des bouquets plus élaborés, des bouquets ronds en poche d’eau... j’ai des fournisseurs qui desservent les grandes surfaces mais ne mettent pas la même qualité”. Cécile exerce son métier avec passion, et évoque le sujet sans amertume, mais se contente de constats, très significatifs. “Par exemple le muguet, les grandes surfaces vont le vendre au prix que moi je l’achète, ils vendent 3 euros les deux griffes et moi je les achète 4 euros.. C’est un combat inégal, évidemment ils font du tort. Chez moi les gens cherchent l’originalité et la qualité, on a nos clients fidèles Et bien évidemment les lieux de production diffèrent. Moi je travaille qu’avec des petits producteurs, dans les grandes surfaces, les fleurs viennent essentiellement de Hollande, elles ne tiennent pas, notamment à cause du transport, on trouve même parfois des roses du Kenya, allez comprendre...”

Côté poissonnerie


Bien évidemment comme nous confiait Eric, pêcheur du Brusc, “les gens qui viennent me voir, aiment manger du poisson, ce sont des connaisseurs”, et Marcel Pilato, issu d’une vieille famille de pêcheur à Sanary nous disait “qu’il y a une vingtaine d’années, à l’époque du Mammouth à la Seyne, beaucoup de poissonneries ont fermé”. Mais pas sûr que la grande distribution trouve son compte avec le poisson, beaucoup de pertes, une difficulté à trouver du personnel qualifié qui accepterait d’être payé au tarif minimum, alors il est de plus en plus courant de trouver des rayons avec des filets, de saumon essentiellement, car ce pauvre poisson subit la loi de la mondialisation avec des élevages à gogo... Ainsi Marcel Pilato nous disait “que le poisson n’est déjà pas forcément moins cher en grande surface à part un ou deux produits phares comme le saumon”. Après on peut s’interroger sur le nombre de jours où le poisson foule la glace? Toutefois la tendance est quand même au retour chez son poissonnier, bien sûr là où il y en a encore...

Côté ail... et fromage


Michel, forain, vend l’ail sur les marchés de Sanary, La Londe, le Lavandou, Garéoult..., et nous présente son métier avec fierté, “forain, c’est un métier, on ne peut pas le faire à mi-temps”, et pour l’ail, c’est un élément noble, « un produit sain ». Il a une vision pragmatique et emprunt de lucidité sur le commerce et la concurrence, « en grande surface l’ail provient essentiellement d’Argentine, et il doit se farcir 3 semaines de transport en bateau, alors évidemment il n’a pas le même goût que celui que j’achète chez les petits producteurs ». Mais Michel nous expliquait que les grandes surfaces avaient choisi l’ail d’Amérique du Sud, car au moins ils pouvaient vendre de l’ail toute l’année, et en plus « pour eux l’ail n’est pas un produit d’appel c’est juste un complément ». Mais ironie du sort, Michel nous expliquait que les grandes surfaces avaient fait il y a une vingtaine d’années “énormément de mal aux producteurs, ils sont passés de 130 à une vingtaine autour du Pays d’Aix. Paradoxalement on est de moins en moins de vendeurs, du coup moi j’ai pu vendre ces dernières années confortablement ma marchandise”. Constat un brin désabusé pour ce passionné, nous racontant l’histoire de l’ail, venu de Chine, grâce à Marco Polo, comme s’il nous montrait l’absurdité du système, “l’ail d’Argentine ne se garde pas longtemps, et les gens reviennent chez moi, car mon ail n’a pas le même goût et il se garde...”
Et issu d’une famille de commerçant, il nous racontait qu’à son avis “la grande distribution a tué en premier les fromageries”. Il se souvenait de l’époque où ses parents avaient ouvert “la savoyarde” à Six-Fours, ils vendaient de la tome, du reblochon, des raviolis... Le jour où Mammouth ouvrit, et bien les conséquences ne se firent pas longtemps attendre.. Le fromage étant un produit simple à stocker et à garder, les grandes surfaces purent vendre des portions, à des prix défiant toute concurrence, à cause de cette fameuse puissance d’achat....

Conclusion


La liste des commerces que nous avons interviewés, sans être exhaustive, est représentative de la situation. Tous s’accordent à dire que les grandes surfaces ont été néfastes pour eux, là où elles se sont implantées. Cependant il semblerait y avoir une lueur d’espoir, le petit commerce redevient à la mode. Le consommateur du fait du lien de confiance, qui le lie à son petit commerçant, a l’impression de mieux pouvoir faire la relation entre ce qu’il achète et le lieu de production.

Traste, le 08 juillet 2009

Autres photos:

"Esprit Bois" au Brusc Le Brusc fleuri Grégory Lo Monaco dans sa boutique Télé-Design La boucherie de Robert Canolle
"Esprit Bois" au Brusc