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Le 18. août 2010 à 18h30

Le Brusc Société Léon Dodéro tire sa révérence

Après 66 années de navigation, Léon Dodéro arrêtera définitivement la pêche en septembre. Une page se tourne mais cette figure incontournable du Brusc ne quittera pas pour autant le quai de la prud'homie.

Léon Dodéro à bord du Magali.

Léon Dodéro à bord du Magali.

À bientôt 80 ans, Léon Dodéro a décidé de vendre sa licence de pêche. Malgré sa retraite acquise voilà une vingtaine d'années, ce dernier avait conservé sa licence et pêchait en saison estivale.
Cet authentique bruscain fourmille d'anecdotes et incarne d'une certaine manière l'histoire du village. Il a commencé la pêche à 14 ans: "jusqu'au début de l'après-guerre, le port du Brusc comptait 48 patrons pécheurs qui avaient dans leur majorité un matelot par embarcation; c'était une période très vivante". En ce temps-là les fonds regorgeaient de poisson autour de l'archipel des Embiez: thons, requins-marteaux, sardines; les dauphins s'aventuraient près des côtes et tous les pêcheurs connaissaient le fameux phoque-moine qui logeait près du Cap Sicié: "Le développement de la plaisance, la création du port des Embiez ont été concomitants à la disparition progressive des pêcheurs. On ne pouvait plus jeter nos filets car de nombreux bateaux étaient au mouillage. Le poisson s'est éloigné au fur et à mesure. C'est d'ailleurs la même histoire dans tous les petits ports de pêche".
Contrairement aux idées reçues il n'a pas fallu attendre la réglementation européenne pour que les pêcheurs soient au fait des mailles à respecter: " j'ai été 24 ans premier prud’homme. Chaque prud’homie faisait respecter les règles, par exemple du 1er septembre au 15 février, on ne touchait pas à la langouste qui était en période de reproduction, alors qu'aujourd'hui on en trouve toute l'année! Allez comprendre...". À l’époque les poissons pêchés au large du Brusc se retrouvaient à la Criée de Toulon et les quais Saint-Pierre et de la Prud’homie étaient largement occupés par les filets des pêcheurs: "on se retrouvait souvent autour de la grue! C'était un lieu d'échange où l'on blaguait. Cette époque est bien finie! En décembre ils enlèveront la grue... C'est triste, mais c'est comme ça". Une grue mobile devrait être à disposition à la base nautique tandis qu'à la place de l'ancienne grue, un espace serait réservé à la vente du poisson, selon Léon Dodéro. Sans fausse nostalgie il accepte tous ces changements, avec parfois une pointe d'amertume: "c'est sûr que plus le temps passe, et moins il risque d'y avoir de pêcheurs au Brusc".
Il a pris la décision de vendre sa licence : "je suis trop vieux maintenant, je ne veux pas me casser la figure sur mon bateau". Sa vie dédiée à la pêche fut marquée par nombre d'événements: par exemple de 1979 à 1982 la prud’homie du Brusc s'associa à une expérience d'aquaculture dans le cadre du schéma aquacole régional: en mai 1979 les pêcheurs de la prud'homie mirent une cage immergée dans la lagune avec 500 loups et daurades provenant de l'écloserie de Martigues-ponteau: "et sept jours plus tard, on nous vola tous les poissons. On retenta l'expérience avec 430 loups derrière le brise lame de l'avant-port du Brusc". A la suite de ces expérimentations naquit "Bruscop", une société coopérative ouvrière de production montée par quatre pêcheurs et un ingénieur.
Léon Dodéro se retirera donc en septembre et sa femme Michelle redoutait: "il risque de s'ennuyer après". Qu'elle se rassure : Léon ne sera jamais très loin des pointus.

D.D., le 18 août 2010

Autres photos:

La grue devrait disparaître à la fin de l'année. Une page se tourne.
La grue devrait disparaître à la fin de l'année.