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Le 31. juillet 2010 à 23h00

Six Fours Portrait La boulangère n'est pas la femme du boulanger

Céline avait oublié son rêve d'enfant. Il a ressurgi après un licenciement. Aujourd'hui, elle est installée avenue de la Mer et a les mains dans la farine sept jours sur sept. Une belle reconversion qui lui fait oublier toutes les galères lorsqu'elle présente à ses clients le Célinou, pain en forme de C.

Enfourner, défourner... Céline a des gestes précis et physiques.

Enfourner, défourner... Céline a des gestes précis et physiques.

« J'étais petite. J'avais peut-être cinq ans et j'imaginais qu'un jour j'allais avoir une boulangerie. J'étais fascinée par ce commerce. » Céline Demaria s'exprime avec douceur. Elle est frêle et a juste passé la quarantaine. Mais la vie ne l'a pas conduite vers la boulangerie. Un BTS de bio chimie, quelques années passées dans une multinationale de soft drink et en 2007 un licenciement.
« C'était en fait presque une libération. Et mon rêve de boulangère qui était enfoui a resurgi... J'en ai parlé à mon époux, qui a pensé que j'allais ouvrir un point chaud. Non, j'avais envie de mettre les mains dans la pâte. » Mais on ne s'improvise pas boulangère, il faut apprendre le métier et Céline a opté pour une formation en quatre mois - pour avoir le niveau du CAP - dispensée par les Grands moulins de Paris. Elle attendait, celui qui cinq mois après allait être le petit Flavio, mais cela ne l'a pas empêché de monter vers la capitale et de se retrouver dans un groupe de sept avec quatre femmes qui avaient la même vocation. C'était un rapport important quand on sait qu'il n'y a que 1% de femmes boulangères. Quatre mois durs et chose rare une formation en partie financée par ce qui est devenu le Pôle Emploi. Fin de la formation en octobre.

La quête d'un fond de commerce
et des stages de perfectionnement


En novembre 2007 apparaît Flavio et la nouvelle maman profite d'un congé parental, tout en recherchant un fond de commerce. « Je me suis rendu au SIRHA (Salon international de la restauration, de l'hôtellerie et de l'alimentation) pour voir le matériel et surtout pour trouver une affaire près de chez moi, pas trop grande. Les Grands moulins de Paris m'ont aidé dans ma recherche. Parallèlement, j'ai fait une formation complémentaire à l'école Grégoire Ferrandi (École supérieure de cuisine française dépendant de la Chambre de commerce de Paris) et chez Pierre Hermé, l'un des plus grands spécialiste des macarons de la capitale, Enfin, je suis retournée à l'école des GMP pour mettre au point une recette de croissants et de pains au chocolat et également pour me familiariser avec les pains bio. »

Un prêt d'honneur et mon indépendance


Mais qui dit achat d'un fond de commerce, parle naturellement de financement. « Dès le départ, tout en ayant d'excellentes relations avec les Grands moulins de Paris, je ne voulais pas, comme cela se fait régulièrement, qu'ils m'aident financièrement. Je voulais rester indépendante. J'ai déposé un dossier à Var Initiatives pour obtenir un prêt d'honneur. Je l'ai défendu un jeudi, au lendemain d'un cruel évènement familial. Vingt-quatre heures après le passage devant un jury de quinze membres, le prêt d'honneur m'était accordé. »
Quelque temps avant, GMP lui avait présenté un petite boulangerie de l'avenue de la Mer, juste à côté des surgelés Picard. « Je me suis tout de suite sentie bien dedans. Je me suis rendue compte qu'avec quelques travaux je pouvais faire quelque-chose d'agréable. J'ai fait appel à Christel Lacroix, décoratrice six-fournaise qui aménage un lieu en fonction de ce que vous êtes. » La boutique a été réalisée dans l'esprit d'une sorte de maison avec comme présentoir un placard et une vieille porte mise à l'horizontale. L'effet est séduisant.
En ce qui concerne les aménagements techniques Céline, ne peut s'empêcher de remercier Joël, son mari spécialisé dans la climatisation et installé à la Technopole Var-matin à Ollioules et «  qui a toujours cru en moi ». Si le four existait, il a fallu investir dans du matériel et attendre début juin pour ouvrir.

La solidarité de la boulange


Le 8 juin, jour J. Céline a les larmes aux yeux en évoquant ce moment. Grandiose réalisation d'un rêve. « Mais je n'étais pas seule. Christophe Adan, et Xavier Letondal, tous deux des Grands moulins de Paris étaient à mes côtés. Et puis, il y avait Gérard Minard, un ancien professeur de boulangerie du CFA du Beausset. Il a toujours été présent pour me conseiller. »
Le départ a été sans précipitation. « J'ai d'abord voulu présenter un bon pain avec des farines de qualité, des croissants et des pains au chocolat pur beurre, puis des tartes aux légumes et des petits gâteaux. »
Les premiers temps, un jeune boulanger était venu lui donner un coup de main. Mais il n'a pas pu rester et la quête d'un remplaçant a été un peu galère. Finalement, depuis quelques jours il y a Maxime Richer, un pâtissier-boulanger et c'est le bonheur, car « j'ai l'impression que nous travaillons ensemble depuis dix ans ». Dans le labo, les deux ont les mains dans la pâte et se comprennent d'un simple regard.

Un jour d'ouverture mémorable
et l'embauche d'un passionné


Chacun apporte à l'autre son savoir. Maxime fait de magnifiques gâteaux et Céline lui fait découvrir des spécialités siciliennes, de cette île dont sa famille est originaire. Canaroli à la brousse de brebis, vanille et chocolat, gâteaux à la brousse de vache « comme les faisait ma grand-mère », tartes de fruits frais sans glaçage, tartes de légumes de saison... Bref, « le leitmotiv est que tout doit être fait maison, comme à la maison ».
Trois heures et demi du matin, quatre heures... Céline est déjà debout depuis un moment. Elle a fait quelques petits bisous à Flavio « qui me fait complètement craquer » et c'est les premières poignées de farine dans les mains. A 6h30 quand en cette période de canicule le rideau à moitié baissé est ouvert et « que je mets mon premier croissant dans un sachet et le tourne pour le fermer, j'ai un bonheur qui m'envahit. » Il sera sans doute aussi très fort lorsque dans quelque temps elle disposera de jolies macarons dans une boite. Mais il faut encore attendre. Céline ne veut pas bousculer son rythme. Elle préfère faire chaque chose en son temps comme pour étaler le plaisir qu'elle obtient dans ce métier épuisant. Comme un coureur de grand fond, elle veut avoir une réserve d'énergie... et surtout garder le sourire même quand la cata arrive comme ce dimanche matin où l'ensemble du tapis permettant d'introduire le pain dans le four, est tombé suite à la rupture d'une pièce et l'a blessée au bras...

, le 31 juillet 2010

Autres photos:

La joie de présenter des tartes comme les faisaient sa grand-mère. Une devanture discrète à côté de Picard, magasin de l'avenue de la Mer spécialisé dans les produits surgelés. Une porte, des vitres et derrière de magnifiques pains. Pour Céline, ce geste est un vrai symbole.
La joie de présenter des tartes comme les faisaient sa grand-mère.