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Le 29. décembre 2011 à 20h36

Le Brusc Quand le temps passe Une petite histoire de la boucherie du quai Saint-Pierre

Voilà une boucherie pas comme les autres, fondée dans les années 30, et reprise en 1940 par Armand Canolle. Ce passionné de jeu provençal a marqué de son empreinte le Brusc, et aujourd'hui son fils Robert Canolle poursuit le travail, dans un tout autre genre mais avec la même passion.

Armand Canolle, boucher mais aussi un "bouliste diabolique".

Armand Canolle, boucher mais aussi un "bouliste diabolique".

Qui ne connaît pas aujourd'hui la boucherie de Robert Canolle? On pourrait même dire qui ne connaît pas Robert Canolle, qui ne fait guère dans le "politiquement correct", et qui a longtemps œuvré pour son Brusc qu'il aime tant. Il fait de son étal un lieu pas comme les autres, truffé de citations, de commentaires acerbes et souvent justes, et surtout ici, il vaut mieux ne pas être atteint de "susceptibilité aigüe" car on n'y mâche pas ses mots, il y souffle comme un air de liberté. Un petit retour en arrière s'impose.

Une boucherie née dans les années 30


Cette boucherie existe depuis les années 30, le premier propriétaire se nommait monsieur Pomet. Et Armand Canolle la reprendra en juin 1940. Mais dès septembre, les restrictions sont imposées au pays et ne prévoient que "200 grammes de viande avec os par personne et par semaine, juste de quoi survivre" expliquait Robert. Son père n'ouvrira donc qu'une matinée par semaine, chassant dans l'arrière pays pour survivre, comme beaucoup. La situation redeviendra presque normale autour de 1948, date à laquelle la famille Canolle prend aussi ses quartiers au Brusc: "C'était une époque où le cheptel se reconstituait petit à petit en France, les Allemands ayant tout raflé. Il est même arrivé à mon père de vendre de la viande congelée d'Argentine. Il a fallu attendre 1950 pour que l'approvisionnement redevienne normal".
Des changements surviendront dans les habitudes de consommation avec l'arrivée des grandes surfaces: "la première date est 1967 avec les Coopérateurs du midi qui étaient à la place du Carrefour market actuel. Puis ce fut l'ouverture du Mammouth à la Seyne en 1969. J'avais assisté à l'inauguration, et on sentait que les gens entraient dans la caverne d'Ali Baba! C'était assez drôle".
En parallèle le Brusc comptait une autre boucherie: "à la place de l'ancienne grange aux crêpes il y a eu la boucherie de Tavignot, puis il y a eu une autre plus tard près du petit Casino". Mais Robert Canolle se gausse surtout d'un autre "concurrent":
"En 1972 s'est construit le bâtiment où se trouve actuellement Pulsat. Un charcutier de Saint-Etienne s'était installé, il était d'une grande prétention et entendait "apprendre à travailler aux gens du midi". Et cela s'est terminé "en correctionnelle: il avait empoisonné une cinquantaine de convives lors d'un banquet. Il avait l'habitude de ne rien jeter, ce monsieur, tout les bruscains s'en souviennent".
En 1974, Armand Canolle prend sa retraite. C'était une figure très appréciée du coin, gentil et généreux mais aussi un "bouliste diabolique", qui sera même un temps président de la Boule joyeuse des îles, avant qu'il raccroche et joue entre amis à Sanary. C'est à cette époque que Robert Canolle se met à son compte, après avoir déjà secondé son père pendant une bonne dizaine d'années: "Mon père est décédé en 2002. Ce fut une très belle mort, dans la chambre du père Joseph Tolosa. Et ce curé qu'on aimait énormément m'avait dit: "Ne t'inquiète pas, il a chanté toute la nuit". Et Robert de conclure: "C'était vraiment un homme bien, un vrai gentil". Plus torturé, et souvent déçu par le genre humain, Robert Canolle est aussi un gentil sans aucun doute, mais lorsqu'on dit ce qu'on pense, difficile de faire l'unanimité. Mais demain, un Brusc sans la boucherie Canolle, aurait-il autant de charme, à l'heure où le conformisme devient légion, où des figures charismatiques locales disparaissent...

D. D., le 29 décembre 2011

Autres photos:

Une boucherie pas comme les autres... A.Canolle Des petits mots et commentaires ornent le mur de la boucherie de Robert Canolle.
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