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Le 13. avril 2017 à 14h20

La Seyne Société Décès du dramaturge Armand Gatti

Le 6 avril dernier, Armand Gatti s'est éteint à l'hôpital militaire Begin de Saint-Mandé (Val-de-Marne). Il avait 93 ans. Résistant, journaliste, écrivain, cinéaste, poète et metteur en scène, il avait donné son nom à la bibliothèque de théâtre de La Seyne-sur-Mer, et l'avait inaugurée, le 10 décembre 2011.

Armand Gatti, rose blanche tendue, en hommage aux jeunes résistants allemands fusillés en 1943. Droits réservés.

Armand Gatti, rose blanche tendue, en hommage aux jeunes résistants allemands fusillés en 1943. Droits réservés.

Installée place Martel Esprit en lieu et place de l'ancienne imprimerie, dans une belle maison du XVIIIe, la bibliothèque de théâtre Armand Gatti, fondée par l'association Orphéon, est un lieu entièrement dévolu au théâtre. Classée parmi les 10 premières bibliothèques de théâtre en France, elle possède, avec plus de 10 000 ouvrages, un patrimoine de textes de théâtre exceptionnel, unique dans tout le quart Sud-Est de la France, que l'on peut consulter sur place ou emprunter. Et quoi de plus naturel que de lui avoir donné le nom d'Armand Gatti, homme engagé qui aimait à rappeler : «Les bibliothèques, c'est le dernier refuge de l'utopie».

Personnalité charismatique


Samedi 10 décembre 2011, lors de l'inauguration de la bibliothèque de théâtre, Armand Gatti, regard malicieux et poing levé, écoute Florence Cyrulnik, alors adjointe déléguée à la Culture et au Patrimoine, le présenter au public : «Dante Sauveur Gatti est né le 26 janvier 1924 à Monaco. Fils d'un anarchiste italien et d'une franciscaine, résistant, poète, auteur, dramaturge, metteur en scène, journaliste, scénariste, réalisateur...». L'adjointe ne peut finir sa phrase. Déclenchant les rires de l'assistance, Armand Gatti l'interrompt par un tonitruant, «et parachutiste ! ». En 1943 en effet, échappé de l’entreprise Lindemann à Hambourg, il avait rejoint le maquis en Corrèze, puis Londres, où il s’était engagé comme parachutiste dans le Special Air Service de l’armée britannique.

Des roses blanches pour le souvenir


Rencontrer Armand Gatti fait partie des jolis moments de l'existence. Un grand bonheur. Ce 10 décembre 2011, rose blanche à la main, il rappelle avec humour, comment il est devenu résistant : «En 1941, la femme que j'aimais avait 16 ans et demi et moi, 17. C'était la fille du bijoutier et j'étais le fils du balayeur. Pas évident ! Ce qui nous a réunis, c'est Nietzsche : elle était juive». L'année suivante, le jeune homme prend le maquis. Arrêté, il est condamné à mort mais parvient à s'évader. En 1945, il entre au Parisien Libéré : «Je suis devenu journaliste pour gagner ma vie et continuer le combat, et j'ai voulu rompre avec le journalisme parce que je ne pouvais pas dire ce que je voulais ». Ce qui ne l'empêchera pas d'obtenir le prix Albert-Londres en 1954, une véritable consécration. Devant la bibliothèque, place Martel Esprit, des brassées de roses blanches, emblême du mouvement des jeunes résistants allemands fusillés en 1943, sont offertes au public.

Homme de théâtre engagé


Au milieu des années 50, Armand Gatti se tourne vers le théâtre. Ses rencontres à travers le monde, pendant sa carrière de journaliste, sont ancrées en lui et influencent son œuvre. Mais le théâtre traditionnel ne l'intéresse pas longtemps. Il préfère aller à la rencontre des gens, dans les campagnes, dans les cités, là où le théâtre n'entre pas forcément. C'est le début de ''La Parole errante''. Le cinéma tient également une place dans sa vie. En 1981, son film "Nous étions tous des noms d'arbres" sur l'Irlande en lutte, est primé à Cannes et à Londres. L'homme n'a jamais cessé de lutter. Ce jour-là, à tous les gens venus le rencontrer et qui attendent un message de lui, il explique tout simplement : «Je crois que les mots forment le pourquoi de la rencontre. La résistance continue et doit continuer». Et si son cœur s'est arrêté ce matin du 6 avril, nul doute que ses mots raisonneront longtemps en chacun de nous.

Chantal Campana, le 13 avril 2017

Autres photos:

La bibliothèque de théâtre à laquelle Armand Gatti avait accepté de donner son nom. DR. En compagnie de Florence Cyrulnik, adjointe au maire pour le discours d'inauguration. DR. 87 ans et toujours le poing levé. DR. Inauguration de la BAG. Aux fenêtres, des comédiens lisent des mots d'Armand Gatti, tandis que la foule brandit des roses blanches. DR.
La bibliothèque de théâtre à laquelle Armand Gatti avait accepté de donner son nom. DR.