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Le 3. juillet 2015 à 12h12

Six Fours Culture Jean-Cristophe Spinosi: «La musique peut changer le monde»

Le festival La Collégiale se poursuit avec le concert "Mission" ce vendredi soir et "Le Messie" de Haendel dimanche, deux grands rendez-vous musicaux avec l'ensemble Matheus.
Rencontre avec son chef d'orchestre, Jean-Christophe Spinosi:

Ouvert, empathique, souriant, enthousiaste, le 'Maestro' Spinosi nous a livré en toute simplicité son regard sur la musique, sur le monde et sur les hommes. Un grand moment d'échange:

Comment avez-vous fait le choix de cette programmation éclectique ?
On a essayé de proposer un répertoire varié qui correspondait aux possibilités acoustiques et à l'esprit de la Collégiale. On a inauguré ce Festival avec un programme assez festif avec trois super stars du chant, l'Italienne Sonia Prina, le Coréen David DQ Lee et l'Australien David Hansen.
J'ai voulu pour la première soirée du Festival un concert en feu d'artifice qui s'est terminé sur un rappel avec les groupes Supertramp et Bee Gees, et même le fameux Gangman style...J'ai repris l'idée que souvent dans la pop music se sont des contre-ténors qui chantent, j'ai voulu faire un clin d’œil à l'aspect patrimonial et merveilleux de la Collégiale et rendre ce lieu vivant et contemporain, un lieu actuel de musique d'art. En France on est encore un peu conservateur. !

Pourquoi à Six-Fours ?
Je suis Corse d'origine mais j'ai de la famille à Toulon, j'y venais tous les étés. C'est aussi à l'initiative de Jean-Sébastien Vialatte et de Claude Henri Bonnet que le projet du Festival a vu le jour. Nous voulions remplir de musique ce lieu extraordinaire.

Musique classique et musique actuelle, comment parvenez vous à faire le lien?
Le but du Festival est de rendre ce moment accessible, contemporain et moderne autour des plus grandes créations de l'histoire.
Il faut considérer que ces musiques que nous jouons aujourd'hui étaient contemporaines autrefois, les compositeurs de l'époque étaient beaucoup plus en lien avec les musiques traditionnelles. Ils se servaient des bases de cette musique populaire pour les développer, les magnifier et en faire ensuite des cathédrales sonores. Et c'était fait avec les mêmes matériaux que la musique traditionnelle et populaire. Aujourd'hui, la musique contemporaine est complètement coupée des musiques populaires alors qu'on n'a jamais eu autant accès aux musiques avec la nouvelle technologie. Je travaille le plus possible sur les manuscrits, l'organologie, la musicologie mais après, dans mon interprétation, je garde tous les référents modernes que j'ai. La manière de vivre un rythme, une phrase musicale, la pop, le rock, le rap sont des expressions d'aujourd'hui et à un moment ou un autre on peut les croiser avec la musique classique.

Pour le concert de ce vendredi soir, justement, vous mêlerez de grandes musiques de films à du Mozart
Oui, l'idée c'est de prendre de vraies belles musiques de compositeurs qui ont servi le cinéma. Car c'est pour moi aussi de la grande musique, et cela peut désinhiber le public. Les gens sont cultivés et il ne le savent pas forcément. Ils ont tous ces référents dans la tête et vont les reconnaître, se dire que c'est si beau, et que c'est de la vraie musique : « Ah ! alors j'aime la musique classique ! Ah ! je la comprends, j'y participe ! »
C'est ça la musique pour moi.

D'après vous, quel est le rôle de la musique aujourd'hui ?
Il faut que la musique redevienne un langage qui serve à communiquer. Le secret c'est que je réfléchis beaucoup et je travaille beaucoup. Je prépare mon état, mais j'improvise aussi. Je pense qu'il faut faire une 'révolution'.
Avec tout ce qu'on entend aujourd'hui dans le monde, qui a une solution ? Si le monde faisait plus de musique, communiquait plus, même depuis tout jeune, si les enfants faisaient de la musique ensemble, ils ne se battraient pas en sortant de l'école ou du lycée. La musique peut redonner un sens profond à la vie des gens, elle doit être un vecteur, un moyen de communiquer.
Elle peut sauver le monde dans les moments incroyablement tragiques que nous traversons. On entend parler de liberté, d'égalité, de fraternité mais jamais d'amour. C'est pourtant le mot le plus important de tous. On peut en parler avec l'art, en créant le lien avec les personnes qui vont à un concert, en créant de l’empathie lorsqu'elles vont verser les mêmes larmes au même moment. Nous sommes dans un monde extrêmement égoïste et la musique a son rôle à jouer.

Dimanche, pour votre dernier concert, vous revenez sur un terrain ultra classique avec le Messie de Haendel...
Oui, c'est une œuvre merveilleuse et c'est aussi un peu la signature de la Collégiale. Nous allons proposer une interprétation spirituelle mais aussi humaine, d'amour.
Il y a une phrase clé pour moi :« En respectant à la lettre la loi, tu trahis le cœur de la loi », c'est une phrase de Jésus. Pour la musique quand on lit une partition quand on veut bien la jouer, on passe à côté de l'essentiel, il faut la lire entre les lignes et s'en dégager pour la respecter. C'est la même chose pour la religion, pour la comprendre il faut s'en dégager... cette phrase est encore bien d'actualité, elle marche dans tous les domaines ! C'est l'humain qui fonctionne comme ça, quand il trouve un système pour fonctionner ça ne marche pas, c'est la recherche du système, la nostalgie de ne pas arriver au bout qui est belle, c'est le danger de ne pas être en sécurité qui donne tout le sens de l'émotion et du merveilleux. Je vis peut être les choses d'une manière subjective et fausse mais je crois que c'est la recette.
Ne passons pas à coté des choses simples,  quand je vois le public souriant et content d'être là, c'est gagné !

Vous dirigez dans le monde entier, sur les plus grandes scènes, vous reste-t-il un rêve ?
Cette année je vais jouer pour la première fois à l'Olympia. Mon rêve, c'est de me servir de mon expérience et de pouvoir la décaler pour l'amener dans des interprétations improbables de la musique mais aussi de la jouer dans des lieux improbables, comme dans des festivals de rock ! (Ndlr Festival des Vieilles Charrues).
Mon rêve c'est d'être avec les gens que j'aime, jouer avec les musiciens que j'aime et partager tout ça. La musique n'a de sens que lorsqu'elle devient le média des émotions et de l'échange. C'est ça mon rêve et j'ai eu la chance de le réaliser, ça m'a remis les choses en place sur ce qu'est l'essentiel de la vie !

A.I, le 03 juillet 2015

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