Ouest Var > Actualité > Sanary > Johann Pollack, peintre au service de la mémoire
Le 31. janvier 2011 à 14h05

Sanary Exposition Johann Pollack, peintre au service de la mémoire

Le Patio accueille une exposition d'une grande qualité avec les œuvres de Johann Pollack autour de "portraits" d'artistes allemands ayant vécu l'exil dans le sud de la France lors de la Seconde guerre mondiale.

Une exposition saisissante.

Une exposition saisissante.

Invité par la municipalité à exposer son travail dans le cadre des rencontres "Sur les pas des écrivains allemands à Sanary", les toiles de Johann Pollack sont accrochées au Patio. Avec une maîtrise de philosophie et d'histoire de l'art, et suivie de cours à l'école des Beaux arts de Vienne (Autriche), Johann Pollack n'est pas artiste par hasard. Il a été récompensé par de nombreux prix comme le Prix de l'académie de Vienne (1976) ou le Prix New-York remis par la Fondation Ducan (1980).
Le travail de Johann Pollack sur ce projet était de comprendre la situation des intellectuels allemands et autrichiens réfugiés dans le sud de la France et internés dans l'ancienne briqueterie qui servait de camp de transit. On retrouve dans l'exposition des portraits très personnels de Thomas Mann, Arnold Zweig, Lion Feuchtwanger...
Jean-Claude Maublanc, de l'association "Art et action" présenta Johann Pollac de la sorte: "Sportif de haut niveau et artiste, français et autrichien, européen avant l'heure, philosophe cherchant, il peint, il dessine, il sculpte, avec toujours la nécessité de raconter une histoire, la sienne ou celle de l'humanité". Cet artiste réfléchit effectivement beaucoup et nous raconte la genèse de ses portraits: "il ne s'agit pas de leur rendre un hommage, leurs textes se suffisent d'eux-mêmes mais de m'interroger comment parvenir à évoquer une période sombre de l'histoire". Il reprend les mots d'Hannah Arendt sur la banalité du mal suite au procès d'Adolf Eichmann, criminel de guerre nazi. Elle estime que loin d'être un monstre sanguinaire, il est un homme tristement banal, entièrement soumis à l'autorité.
Johann Pollack a eu son grand-père maternel tué par les nazis en 1944 alors qu'il donnait à boire à des déportés entassés dans des wagons immobilisés en gare de Linz où il était chef de gare. Tout le travail de Pollack ést de "rendre la mémoire à tous ces hommes et toutes ces femmes en se posant la question: quel langage esthétique peut-on encore mettre en œuvre". C'est un travail tout en finesse qui place ces hommes illustres ou inconnus dans une Histoire, ce sont eux mais d'autres, comme si un visage en cachait des millions d'autres. On ressent un trouble face à certaines toiles qui demeurent sombres et ne nous replongent pas seulement dans une époque sombre mais dans les tréfonds de l'âme humaine. Il ne s'agit plus ainsi que du passé mais d'un présent, il ne parle plus seulement des horreurs d'une guerre mais simplement de l'humain toujours là et enclin au mal encore ? Pourtant toutes les toiles exposées au Patio ne sont pas uniformes: "je n'ai pas fait cette série d'un seul trait; cela a été un long travail de réflexion, j'ai aussi évolué". On voit ainsi certaines toiles où le gris ne prédomine pas avec des incursions de couleurs plus vives, avec une poésie omniprésente, qui pourrait nous faire penser à de l'espoir, libre à chacun d'interpréter. Il parvient d'une certaine manière à revisiter l'histoire en évitant les poncifs, le pathos facile, faisant appel à la mémoire et à l'intellect des gens. Un vrai travail d'artiste que le public peut contempler jusqu'au 10 février au Patio.

D. D., le 31 janvier 2011

Autres photos:

Ici Johann Pollack.
Ici Johann Pollack.