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Le 15. septembre 2010 à 20h30

Patrimoine marin L'épave du pointu de son père reprend vie

L'histoire de Guy Mazella est comme un rêve devenant réalité. Aujourd'hui, il restaure dans son jardin le Saint-Sylvère, découvert par hasard à l'état d'épave. Il a été classé Bateau d'intérêt patrimonial.

Avec fierté Guy Mazella pose devant ce pointu dont la plaque portant le nom du bateau sera bientôt reposée.

Avec fierté Guy Mazella pose devant ce pointu dont la plaque portant le nom du bateau sera bientôt reposée.

Juillet 2007 : sans doute nostalgique de ces chantiers navals où il a travaillé durement, Guy Mazella, 58 ans, qui a terminé sa vie de travail comme pêcheur, va se balader vers la friche industrielle. Soudain, c'est le choc : dans l'eau une épave pourrie à moitié engloutie, un pointu qui va finir sa vie en bûcher. Mais ce n'est pas n'importe quel pointu, c'est le Saint-Sylvère.
Ce prénom était celui de son père, pêcheur rapatrié de Tunisie en 59. Il était pêcheur, là-bas sur l'île de Galite au large de Bizerte. Naturellement, à son arrivée en métropole, que faire d'autre? Il décide de faire construire un bateau et il portera le nom de Sylvère... C'est ce même Sylvère que vient de redécouvrir son fils Guy.

Un an et un jour d'attente


Le choc passé, Guy Mazella prend contact avec la mairie de La Seyne-sur-mer, qui a décidé de se débarrasser de l'épave le plus vite possible. « C'est sans doute au sentiment que j'ai pu obtenir un délai. Ce n'était pas si simple que ça de récupérer ce pointu vendu par mon père à un plaisancier qui ne l'a jamais entretenu. Après quelques démarches, j'ai obtenu l'attribution de l'épave . Puis il a fallu la sortir de l'eau, la charger sur un camion et l'acheminer dans mon jardin. » Impressionnant convoi et manœuvres périlleuses... et longue attente d'un an et un jour, délai nécessaire pour avoir l'acte de propriété. Pendant cette période Guy Mazella a construit une sorte de serre pour pouvoir réaliser la restauration dans de bonnes conditions.

« Mon père allait pêcher jusqu'en Corse »


« Il fallait refaire 85% de ce bateau de 10,80 de long, 3,15 mètres de large au maître-bau, qui avait une jauge brute de 5,14T fabriqué en 1961 à la demande de mon père, tout en acajou, par les chantiers Bottifero de Cassis. »
En mars 61, après des essais concluants, le Saint-Sylvère était livré et baptisé en avril de la même année par l'abbé Galli, curé de la paroisse de Sanary. Guy Mazella se souvient de cette cérémonie immortalisée par une photo que nous publions.
Fier de son bateau, Sylvère Mazella va partir pêcher au large de Porquerolles, vers Agay et même en Corse. A l'âge de 14 ans son fils embarque et, avec leurs filets, ils remontent les divers poissons de la Méditerranée. Il pêche aussi la langouste et, dans ses entrailles, leur embarcation est d'ailleurs dotée d'un vivier.

« Les plans, sont les photos que j'ai dans la tête"


Depuis deux ans Guy Mazella, avec le soutien moral de sa famille et surtout de son épouse Georgette a qui il rend hommage en disant « heureusement que j'ai une épouse comme elle qui, malgré les nuisances, est toujours à mes côtés », travaille à cette incroyable restauration.
Une restauration faite à partir des plans d'origine? Pas du tout! « Les plans, ce sont des photos que j'ai dans la tête et je suis obligé d'adapter au fur et à mesure, » Il est vrai qu'en enlevant bois après bois, il s'est retrouvé avec un squelette en sapelli qui était encore en très bon état et une partie de coque qu'il a fallu décaper. Le reste a été reconstruit avec de l'iroko bien sec.
Chaque pièce a été démontée et a servi de gabarit. C'est le cas de l'étambot et de la quille. Aujourd'hui, l'arrière a retrouvé sa forme d'origine, celle d'un vrai pointu car « mon père l'avait fait transformer en arrondi pour mieux remonter les filets et, un temps, pêcher au lamparo » Bref, bordées, jambettes, pont et cabine, tout est neuf. Actuellement Guy Mazella forme le pavois et il restera à faire le calfeutrage comme on le réalisait du temps de la construction du Saint Sylvère.

Le moteur part en fumée...


Côté motorisation, ce pointu était doté d'un Baudoin DK2. Un moteur de plus d'une tonne qui démarrait « avec un volant et une cigarette que l'on plaçait vers les soupapes... » Ce moteur était irrécupérable et Guy Mazella a eu la chance de trouver un moteur Baudoin de 85CV qui a été complétement reconditionné. Mais la chance a tourné au début l'été, ce jour où le hangar d'une société des Playes où était stocké le moteur est parti en cendres. « Le moteur était comme neuf. Maintenant il faut attendre la réponse des experts. » Quoiqu'il en soit, ce restaurateur ne perd pas le moral. « A la fin de l'année, normalement le bateau sera mis à l'eau. Il aura un moteur et l'électricité sera faite. »
Mais le moteur ne sera pas le seul moyen pour déplacer ce beau pointu rouge avec sa ligne de flottaison blanc cassé et l'acajou bien huilé de son pont. Il sera armé d'une voile latine dont Guy Mazella va en déterminer les côtes et elle sera probablement réalisée en Tunisie.

Et où sera-t-il amarré ?


Créateur de l'association Lou Capian du Brusc dont il a été le président , Guy Mazella est aussi membre de l'association de Sanary. Il est évident que son bateau intéresse Sanary... Ce serait un retour à son port d'attache. Mais Guy Mazella aimerait que ce pointu labélisé BIP (Bateau d'intérêt patrimonial) puisse trouver refuge au port de La Coudoulière. Pour le moment, il est en attente d'une réponse... « et ce serait une belle reconnaissance » pour son travail et également pour tout le monde de la pêche qui disparaît au fil des ans.

, le 15 septembre 2010

Autres photos:

A La Seyne, le jour de la découverte de l'épave. Le transport a nécessité de grands moyens. Dans quelques minutes le pointu sera déposé dans le jardin. Certaines membrures étaient encore bonnes.
A La Seyne, le jour de la découverte de l'épave.