La Seyne
Appel à témoignages
La longue lutte des ''81''
De 1987 à 1990, quatre-vingt-un fonctionnaires territoriaux ont mené un dur combat pour s'opposer à leur licenciement. De la première grève, à leur réintégration sur décision de justice, ils ont tenu bon. Aujourd'hui, d'anciens ''81'' s'apprêtent à raconter leur lutte et recherchent des témoins de cette époque.
Inauguration de la ''Place des Services publics'', le 15 janvier 2010
Trois ans après son élection en 1984, le maire UDF Charles Scaglia, qui succédait au maire PCF Maurice Blanc, décide de privatiser le service du nettoiement. Quatre-vingt-un fonctionnaires territoriaux sont licenciés. Pour le maire de La Seyne, c'est le début d'un long bras de fer qui commence, et d'une lutte sans merci que lui livreront les ''81''. Retour sur une incroyable histoire qui va faire l'objet d'un livret, à l'initiative de la Fédération des services publics CGT et de l'Institut d'histoire sociale (IHS) CGT. Tous les témoignages sont les bienvenus.
Privatisation et licenciements
Nous sommes en 1987. Marcel-Paul Magagnosc dirige le service nettoiement qui comprend également la propreté des plages. A ses côtés, le contremaître, Gérard Franco. Le 2 juillet, le service est privatisé pour ''raison économique'' c'est-à-dire, au profit d'une délégation de service pubic attribuée à un constructeur de maisons individuelles qui s'avèrera au final, avoir coûté plus cher que la gestion municipale. Une première grève est lancée. Elle va durer 27 jours. Le 3 décembre 1987, le licenciement des quatre-vingt-un fonctionnaires est prononcé. La guerre est déclarée...
Victoire au tribunal administratif
Très vite, ceux qui sont devenus les ''81'' entament la lutte. Des mois et des mois de grèves, avec occupation de la place en face de la mairie, manifestations et surtout, démarches auprès du tribunal administratif de Nice qui finit par leur donner raison, le 19 janvier 1989, jugeant les licenciements illégaux. «Ce jour-là, 20 000 personnes avaient fait le déplacement», se souvient Marcel-Paul Magagnosc. La mobilisation et la solidarité sont collossales. «Nous avions le soutien de la population seynoise, des ouvriers des chantiers alors qu'eux-mêmes étaient dans un contexte de fermeture, mais également de nombreuses collectivités partout en France».
Le Conseil d'Etat saisi
Si la justice a tranché en faveur des agents qui doivent être réintégrés dans leur grade et dans leur statut, le maire ne s'avoue pourtant pas vaincu. Il fait appel auprès du Conseil d'Etat. Peine perdue. «On a pris un avocat qui siégeait au Conseil. Il a entériné la décision», explique l'ancien contremaître Gérard Franco. En effet, le Conseil d'Etat confirme le jugement du TA de Nice, le 2 juillet 1990. Désormais, on ne peut plus licencier un fonctionnaire territorial pour raison économique. Il reste propriétaire de son grade et de son statut.
Un devoir de mémoire
La lutte sociale s'est terminée par une victoire, avec l'aide du Parti communiste français et du soutien inconditionnel du syndicat CGT à laquelle Louis Vaisse a pris part. Depuis deux ans, au sein de l'Institut d'histoire sociale CGT, il fait un travail de mémoire sur cette aventure : «Nous voulons raconter la lutte de ces ''81'' et leur détermination. Ce livret servira d'exemple à tous les défenseurs du service public. C'est un véritable devoir de mémoire».
Place des Services publics
15 janvier 2010. En mémoire de la lutte des ''81'', le maire, Marc Vuillemot, choisit de nommer symboliquement la place face à la mairie ''Place des Services publics''. «Ils se sont opposés à la volonté de la droite de licencier des agents territoriaux. Merci et bravo à eux». Sur les 81 fonctionnaires, 27 ou 28 ne sont plus. D'autres ont quitté la région. Pendant ces trois années de combat, des couples ont mal résisté à la pression. «A la fin du mois, quand on n'a pas grand-chose à donner à manger à sa famille, c'est dur», se souvient Gérard Franco. Car la solidarité, même très forte, n'a pu empêcher, «les moments de creux et de découragement».